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e s s a i
23 mars 2019

Essai sur la possibilité d'une voie spirituelle collective

Résumé

Nous ignorons comment nos comportements (actes, paroles, pensées) sont générés : quels sont leurs ressorts intimes et comment s’opèrent leur mise en œuvre, qui est essentiellement de nature collective. Nous les pensons comme des faits individuels.

Nous commettons alors une erreur, qui est à la source du déploiement d’une mécanique du pouvoir d’extension mondiale dans laquelle nous sommes engagés de force sans en comprendre les tenants ni les aboutissants.

Cet ouvrage tente d’en faire une analyse aussi exhaustive que possible. Une réflexion sur la possibilité d’un fonctionnement humain plus harmonieux est proposée. Mariant la sagesse millénaire des Upanishad à l’aspiration occidentale à l’écologie, elle envisage l’action collective comme un yoga cosmique auquel chacun participe.

 

Essai sur la possibilité d'une voie spirituelle collective

De nombreux posts traitent de la spiritualité où une large part est occupée par les voies orientales. Ceci donne lieu à un jet soutenu de présentations de pratiques et théories de toutes sortes entremêlées qui paraissent contradictoires en apparence.

Dans la perspective de l'évolution des espèces telle que l'envisage la science occidentale, ces efforts semblent sous-tendus par un élan spontané vers la Connaissance par lequel l'humain s'est extrait de sa gangue animale, s'est ensuite prolongé au fil des siècles pour déboucher sur le foisonnement de la vie moderne. A chacun bien sûr de se frayer un chemin dans cette dynamique des peuples, des croyances et des pratiques.

Un fait domine : ce que je fais dépend de mes actions passées et guide mes pas vers ce que je ferai. Mais aussi, ce que je fais, ai fait et ferai se nourrit de ce que les autres font. Plus généralement, nous collaborons à un jeu interactif mondial à plusieurs niveaux, du plan individuel au plan collectif le plus élevé que sont les fédérations d'états. Nos actions s'enrichissent et se nourrissent mutuellement. C'est de ce constat qu'est née la possibilité d'une voie collective.

 

La dynamique humaine

La multiplicité matérielle fonctionne par la mise en œuvre d’un foisonnement de relations entre ses entités à toutes échelles, en constant renouvellement. La société humaine n’y échappe pas. Mais, bien que nous en parlions beaucoup, nous n’en sommes que rarement conscients.

L’avènement de l’écologie, qui perle un peu partout, nous le rappelle : la relation nous fonde. L’indépendance, que nous appelons si ardemment dans de nombreuses circonstances, est un leurre. Et si nous avions conscience du potentiel de créativité et d’enrichissement inouï que nous offre le tissage incontournable des relations quotidiennes sans lesquelles nous ne serions, la société moderne connaîtrait là une première révolution digne de ce nom, sans conflit, sans tension.

Mais le travail sur soi que cela représente est à la mesure de l’enjeu. Car il s’agit de passer d’une optique relationnelle de pouvoir sur les entités vivantes et inanimées que nous côtoyons, à une optique interactive de relation d’échange avec notre environnement, compris dans son sens le plus large.

La relation de pouvoir suppose dans son principe, l’établissement d’une contrainte exercée par une entité, qui dispose de l’initiative de l’action, sur une autre entité, qui en subit les conséquences. Ce modèle établit donc d’emblée une hiérarchie de valeur entre ‘l’acteur’ et le ‘subordonné’. Il s’applique de façon générale à toutes les relations que nous établissons avec nos congénères, les entités du règne animal et végétal et les éléments physiques ou immatériels de notre cadre de vie. Nous appliquons également ce modèle de façon systématique aux relations dont nous sommes témoin. Il est d’essence conflictuelle.

La relation d’échange est une création collective qui réunit tous les participants dans la production de l’action en cours. Il s’agit d’un jeu de sollicitations – réponses en vertu duquel les participants se transforment et s’enrichissent mutuellement sur un plan d’égalité. Il n’y a plus de hiérarchie. Ce modèle est d’essence harmonieuse.

La relation de pouvoir a une assise affective. De fait, l’établissement de nos relations de pouvoir reflète fidèlement nos attirances et répulsions. La relation d’échange est dégagée de l’affectif. Elle est conforme à l’observation qu’en ferait un scientifique. Les relations que nous établissons quotidiennement correspondent à ce modèle, au plan objectif. Elles n’ont du pouvoir que le nom. Il suffit pour s’en convaincre d’observer une lutte entre deux personnes de force très inégale. Par ses reculs, ses esquives, ses contorsions douloureuses, le ‘plus faible’ participe autant à l’orientation du combat que le ‘plus fort’. Ainsi, les termes de ‘faible’ et ‘fort’ doivent être entendus au plan affectif uniquement.

Il ne s’agit donc pas de changer le modèle de nos relations mais de venir à la connaissance de ce qu’elles sont en essence : des échanges qui, s’ils étaient compris comme tels, nous ouvriraient un potentiel d’enrichissement insoupçonné dans le quotidien et décupleraient les possibilités évolutives dont la nature a déjà fait une éloquente démonstration en produisant l’humanité actuelle à partir des molécules de la ‘soupe primitive’.

La transition consciente d’une optique de pouvoir individuel à celle d’un échange collectif dans nos relations quotidiennes s’insère dans une démarche spirituelle dont le point de mire est la connaissance de notre nature véritable, que l’identité sociale masque totalement. Car nous sommes tous, en tant qu’humains, engagés dans un chemin spirituel, quoique nous disions, quoique nous fassions.

 

L'être collectif

Nous assistons à la naissance d’un être : l’être collectif. Jusqu’à présent, il vivotait sans expression tangible dans le sein cosmique. L’interconnexion omniprésente des hommes par le truchement de la technologie projette brusquement l’être collectif hors de ses limbes, créant un désarroi mondial : révolte des peuples, mise à jour de la collusion entre hommes politiques et dirigeants de l’industrie, étalage des mœurs des hommes publics, soif de démocratie directe.

La conscience de l’être collectif en est à ses balbutiements. Il semble inéluctable que la recherche spirituelle, cet élan vers la conscience, commence à intégrer cette dimension collective en considérant l’ensemble mondial comme un être à part entière au même titre que l’être individuel pour lequel de nombreuses voies d’émancipation sont proposées.

La réalisation spirituelle complète est l’accomplissement d’une mort, celle du moi, qui laisse la place à l’être pur indestructible sans support. Le passage de l’être individuel à l’être pur peut s’envisager selon de nombreuses voies. Au cours de la progression, le fonctionnement psychologique se désincarcère par atténuation des entraves de l’ego-centre jusqu’à leur complète dissolution. De nombreuses étapes intermédiaires sont généralement nécessaires.

Au plan individuel, ce travail d’approche de l’être pur parsème l’activité collective mondiale de nombreuses tentatives disséminées, surgies de la diversité humaine. On peut, en complément de celles-ci, proposer une démarche au plan collectif actionnée directement par l’ensemble des hommes. En fait, cette démarche est amorcée. Le propos de cet essai est de contribuer à faire surgir ce fait dans la conscience collective. Dans ce qui suit, nous examinons les obstacles mentaux qui freinent la progression vers cette démarche.

 

Dictature et écoute

 Nous fustigeons les dictateurs en ignorant que ceux-ci ne sont que l’expression visible d’une mécanique dictatoriale qui doit son inexpugnable efficacité à son extrême discrétion : en effet, celle-ci s’immisce chez quiconque, par l’entremise de la relation de pouvoir qui investit chacun de nos faits.

Par un processus spontané d’identification au corporel et ses émanations, nous nous posons face à autrui en un absolu incontournable dont nos actes, paroles, pensées portent la marque. En foi de quoi, toute idée d’action touchant à l’orientation de notre vie s’impose comme une évidence devant laquelle tout obstacle doit s’effacer, dussions-nous entrer en conflit avec nos semblables. Telle est la genèse de nos fameuses décisions.

Ceci fait de la décision le centre de l’action humaine, alors qu’elle n’en est, pour un observateur objectif, qu’un fugace épisode. Il est en effet facile d’observer que toute décision résulte de mécanismes psycho-physiques complexes qui impliquent tous les intervenants du cadre de vie avec lesquels nous sommes en relation, intervenants étant pris dans son sens le plus général (êtres, objets matériels et immatériels). Il y a donc tout lieu de penser que l’idée qui sous-tend l’action n’est qu’une étape intermédiaire d’une série interminable de faits, dont la presque totalité échappe à la conscience ordinaire, en conséquence de quoi nous n’en sommes pas les ordonnateurs.

Poursuivant dans ce sens, nos fameuses idées-décisions apparaissent plutôt comme un éclairage évolutif sur l’orientation de nos actes replacés dans leur contexte. Cette ouverture est une chance inouïe pour l’humaine condition, un cadeau dont nous ne mesurons pas l’étendue, au regard de l’état animal ou inanimé.

Dans cette perspective, nous serions l’objet d’une méprise : en prenant ce qui n’est qu’un message d’information sur l’orientation de nos actions par le truchement de l’idée pour une décision d’action rigide dont nous revendiquons la paternité et la maîtrise, nous commettons un acte de dictature à l’état brut vis-à-vis de nous-mêmes et d’autrui.

Cette confusion n’effleure jamais la conscience quotidienne. Car le non agir que semble impliquer la descente de notre piédestal dictatorial est une source d’épouvante. Le dictateur qui calcule ses décisions vit en effet dans la peur de ne pas les voir se réaliser, ce qui équivaut pour lui à une perte d’identité.

Nous voici renvoyés au processus d’identification à la pensée et ses corollaires – paroles, actes, émotions – comme source de la dictature, processus dont nous souffrons tant à notre total insu. Car nous ne sommes pas nos pensées et consorts. Nous sommes bien plus que cela. Pour nous connaître, certains diront aller à la rencontre de notre vraie nature, nous devons nous défaire du masque de la personnalité et nous abandonner au non agir.

En quoi consiste le non agir ? En une disparition de l’acteur et du penseur qui résultent d’une fabrication mentale. Pensée et action sont des phénomènes spontanés observables par l’écoute attentive et objective. Nous n’en sommes pas les décideurs. Le dictateur est un artefact sans fondement, généré par l’activité mentale. La peur de disparaître est donc factice. Quand cette évidence se fait, tout s’inverse.

La disparition du penseur et de l’acteur laisse le champ libre à l’écoute qui est ouverture totale à tout ce qui advient sans discrimination, sans déformation, sans adhésion à – ou répulsion de l’événement présent, ce qui suppose une neutralisation de l’affectif.

Alors l’événement peut se manifester sans être gêné voire déformé. Il peut se révéler tel qu’il est dans tous ses aspects. En effet, de même que notre présence dans une réunion d’amis, fut-elle totalement passive, modifierait leur comportement, la présence d’un observateur changerait le déroulement de tout événement.

Plus généralement, nous n’avons qu’une connaissance relative de la manifestation matérielle : nous ne pouvons la percevoir que par le canal de nos sens issus de cette même manifestation, aidés ou non par un appareillage tout aussi matériel. Autrement dit, la manifestation est observée par l’intervention d’éléments intégrés dans cette même manifestation. Cette auto-perception voire auto-justification ne permet pas d’en authentifier la connaissance. Il y faut pour cela le sceau neutre de l’écoute en absolu, par principe indépendante de toute expression.

L’absence d’une entité qui écoute semble impossible à priori, tant nous sommes agrippés à la matérialité comme seule source de réalité. Pourtant, si tout était entièrement noir, nous ne le saurions pas. Pour révéler le noir, il faut un fond blanc. Pareillement, la matérialité suppose un substrat sans expression pour la révéler. Telle est l’écoute, conscience totale de l’événement qui s’exprime.

Il semblerait donc qu’il y ait deux plans de réalité distincts : celui de l’événement et celui de l’écoute. Il n’en est rien. Ce paradoxe tient à notre représentation du réel faite d’entités séparées, dans l’expérience ordinaire. Événement et écoute sont deux aspects inséparables d’une seule réalité, l’un ne pouvant être sans l’autre. Pour que l’écoute soit, il lui faut l’événement. Pour que l’événement soit, l’écoute doit être. Mais l’événement matériel n’a de consistance que celle que bâtit la construction mentale – issue de la matière corporelle – à partir des informations sensorielles, ce qui ne permet pas d’en asseoir pas la certitude. Dans l’écoute en Absolu, la consistance matérielle est consumée comme dans un feu sans fumée : seule existe la plénitude consciente d’être sans support où l’événement devient un jeu totalement transparent qui se dévoile à mesure que l’écoute s’établit et le corporel perd toute consistance. C’est ce que la méditation est en essence : une expérience de la réalité d’être par elle-même, la seule qui soit auto-justifiée.

 

Pratique

Cette expérience est indépendante de tout support corporel, non soumise au temps et à l’espace. L’entrée en méditation nécessite que le processus d’identification à la pensée s’arrête. Au début de la pratique, les idées liées au pouvoir d’agir dans le quotidien mènent une ronde incessante qui empêche la méditation de s’établir. L’idée d’action est semblable à un véhicule dont nous aurions les commandes. Lorsqu’elle se présente, l’expérience d’être est limitée à ce qui est directement lié à son pilotage, à savoir les idées annexes qui tiennent lieu de commandes et le panorama sensoriel immédiat. Lorsque l’idée nous quitte, le panorama total se découvre comme lorsque nous descendons d’un véhicule.

La pratique régulière de la méditation permet de prendre progressivement conscience de la manière dont l’expérience d’être est dénaturée par le déploiement omniprésent de la pensée. Petit à petit, la pensée trouve la voie de l’apaisement. Les idées se font moins chargées du désir d’agir, plus harmonieuses, plus facilement observables dans leur totalité. La dictature s’affadit et on s’établit pas à pas dans l’écoute sans support : la rencontre avec Soi peut s’opérer.

 

Vers une démarche collective : l'Eco Yoga

Traditionnellement, la technique a pour fonction d’assister l’homme pour l’entretien et la protection de la vie quotidienne. En conséquence, on peut affirmer que le fonctionnement de l’humanité permet une relative autonomie des entités socio-économiques – familles, tribus, états – qui la constituent, tant que celles-ci restent disparates.

Dans ce cadre, la connaissance spirituelle qui constitue la trame sous-jacente de toute activité humaine, s’adresse directement à la personne individuelle. Elle se transmet par le rituel, les mythes et les contes. Un enseignement approfondi est réservé aux personnes prédisposées.

En occident, le développement de l’analyse scientifique et de la technologie ont bouleversé ces conditions. D’une part, la primauté de l’analyse objective confortée par l’expérimentation rigoureuse a mis à mal les intuitions symboliques qui alimentaient rituel, contes et mythes pour l’édification spirituelle du plus grand nombre. D’autre part, l’attraction du pouvoir d’explication scientifique de la phénoménologie universelle a amené les plus prédisposés dans son giron, aux dépens de la connaissance spirituelle la plus haute.

Cette déchéance relative de la transmission spirituelle par le rituel collectif, les mythes et les contes pour le plus grand nombre et la connaissance ésotérique pour les plus prédisposés appelle la mise au point d’une autre voie.

En complément de la voie traditionnelle conçue pour la personne individuelle selon les quatre procédés énoncés plus haut, il nous semble évident qu'une nouvelle voie doive aussi s’adresser à l’être collectif dans son ensemble. En effet, par suite des interférences massives dues à la prolifération de la technologie dans la vie quotidienne qui diluent toutes les initiatives d’action, l’importance croissante des interactions individuelles rend nécessaire une coordination de l’action au plan global. De surcroît, on constate une difficulté croissante pour trouver les conditions de calme physique et de sérénité mentale nécessaires au développement spirituel individuel, suite à la prépondérance croissante du collectif et des conflits qui lui sont liés.

Aujourd’hui, cette nouvelle voie semble passer par la pratique de l’écologie qui permet de renouer avec l’humanité passée, pour qui le respect de la nature dans tous ses aspects était prépondérant. La pratique de l’écologie est par essence collective dans ses conceptions et réalisations. À ce titre, elle intéresse au plus haut point l’organisation de l’activité dont l’orientation se doit d’être de plus en plus harmonieuse. Son propos s’adresse donc directement à l’être collectif, en ce que lui et lui seul peut la mettre en œuvre.

La personne abandonne alors sa revendication d’autonomie de pouvoir en s’attribuant la paternité de ses décisions. Au contraire, elle s’incarne dans une fonction de l’être collectif. Par les interactions dans lesquelles elle est engagée, elle participe à son fonctionnement. Cela suppose une révolution intérieure que l’on a désignée sous le nom d’inversion. Cette révolution intérieure s’accomplit par la pratique de l’écoute objective et silencieuse de la totalité dans laquelle la personne individuelle est intégrée, la décision personnelle s’effaçant devant la reconnaissance de la spontanéité d’action mise en œuvre interactivement par toutes les entités fonctionnelles en présence. L’intégration de la personne dans une fonction de l’être collectif est le garant du respect de tous les intervenants, êtres vivants ou inertes, matériels ou immatériels.

On pourrait craindre que la planification de l’action collective ne puisse pas être assurée dans cette perspective. Cependant, au lieu d’être le résultat de situations conflictuelles dont le dominant du moment revendique la paternité, elle s’inscrirait au contraire dans le cours normal des interactions humaines au même titre que toute action pratique. Il est même probable qu’elle doive se faire par l’intermédiaire d’animateurs capables de coordonner l’action au plan collectif. Les fonctions d’animation seraient alors créées et détruites en fonction des besoins. Elles remplaceraient celles de dirigeant, devenues aujourd’hui désuètes. L’initiative de l’action collective reviendrait à l’ensemble.

Il va de soi que ce basculement de la psychologie individuelle vers la psychologie collective ne peut faire l’objet d’aucune planification. Il est déjà amorcé et se poursuit à son propre rythme. Toute tentative d’encadrement totalitaire de cette mutation semble vouée à l’échec du fait qu’elle tende à maintenir l’état actuel. Techniquement, il s’agit de passer du modèle de la relation de pouvoir à la relation d’échange. Le premier est un canevas que l’on applique sur toute situation relationnelle, le second n’implique aucun à priori.

 

Un avant goût de l'Eco Yoga

Il a été suggéré dans le paragraphe dédié à la dynamique humaine ci-dessus que toute relation est de facto une relation d’échange que l’interprétation affective transpose en relation de pouvoir. La prise en compte de ce fait marquerait un progrès considérable vers la conscience de l’être collectif. Rien ne s’oppose en principe à sa réalisation. Les conséquences sont incalculables.

Tout comme le prisme décompose la lumière blanche du soleil en ses raies de couleur constitutives, la mise en œuvre de la relation de pouvoir décompose l’agir humain en une pléiade de comportements allant du saint au meurtrier, du mendiant au capitaine d’industrie, ainsi que celui de l’indéracinable homme ordinaire au relief émoussé. Imaginons que nous changions le prisme de la relation de pouvoir contre celui de la relation d’échange. Innovation sans précédent : nous sommes fondés à en attendre un bouleversement des comportements humains, notamment un véritable partage des richesses sous toutes ses formes, un effondrement de la criminalité, sans oublier la généralisation d’une vraie attitude écologique… Si cette possibilité est viable, l’expression de la Plénitude au plan humain ne saurait par principe s’en priver.

En faisant fructifier le potentiel contenu en chacun par la relation d’échange, on devrait assister à une création comportementale prodigieuse que la relation de pouvoir avait maintenue dans l’exiguïté des automatismes de l’imitation. La diversité humaine tendrait alors vers son épanouissement dans l’unité.

 

Développement théorique de l’Eco Yoga

La matérialité est le lieu de rencontre avec soi-même. La matérialité est éclatée en une pluralité d’entités en constante mutation. Chaque être vivant est constamment en relation avec ce qui l’environne pour soutenir son existence corporelle. Sans relation, pas d’existence.

Les relations que l’homme noue avec son cadre de vie qui comprend des objets, plantes, animaux, hommes, sont dominées par des attractions et des répulsions.

L’attraction-répulsion fait de toute relation un mécanisme de pouvoir.

La relation de pouvoir met en scène un dominant et un dominé dans le cas le plus simple.

Son origine est une idée directrice à laquelle le dominant accepte de se soumettre pour la transmettre au dominé. Le dominant et le dominé sont tous deux esclaves de cette idée.

Cette idée brime leur potentiel d’expression.

En l’absence d’idée directrice, les deux participants nouent spontanément une relation d’échange d’égal à égal :

. c’est une interaction formée d’une sollicitation qui vient d’autrui et une réponse qui vient de soi.

. sans sollicitation, pas de réponse. Les deux entités participent également à l’action. Elles en sont co-créatrices.

Toute action peut donc être conçue comme une œuvre collective enrichissante qui rassemble les participants dans une unité de production, dont le mode de fonctionnement est l’entraide spontanée .

L’extension de cette conscience d’échange unitaire à toute la société des hommes est un facteur de transformation complète de la vie au plan mondial. Peu à peu, les pratiquants sont intégrés dans l’intimité de l’être collectif.

La conscience de ce potentiel d’enrichissement et de transformation est le moteur en douceur de sa propagation spontanée de proche en proche à partir de centres disséminés dans la diversité humaine.

La propagation spontanée de cette transformation est le yoga de l’être collectif, voire de l’être cosmique. C’est une transposition de la pratique individuelle au plan de l’Ensemble.

La généralisation de la relation d’échange à tous les aspects de la vie terrestre nous permet d’accéder à l’ère de l’écologie, par le respect qu’elle apporte à toutes les entités participantes : êtres vivants, végétaux, objets naturels, fabrications humaines matérielles et immatérielles.

Toute tentative d’encadrer et de formaliser le yoga de l’être collectif est vouée à l’échec en ce que cela ne ferait que renforcer les mécanismes de pouvoir. Aucun schéma relationnel, directive ou doctrine ne peuvent être proposés.

 

Commentaires

Dans une relation de pouvoir, l’idée directrice s’impose au déroulement de l’action par le truchement du dominant. Dans une relation d’échange, les intervenants sont soumis gracieusement à un jeu de sollicitations réponses (interaction) qui les transforment et les enrichit continuellement. Toute idée qui apparaît, est un intervenant supplémentaire qui s’intègre dans ce jeu au même titre que les autres. Autrement dit, elle est, elle aussi, soumise à des transformations continuelles. Ainsi, la dictature obscure de la décision est remplacée par la pleine conscience de notre fonctionnement.

Ce mode de fonctionnement collectif ne peut s’établir sans le développement de l’attention pure à la totalité des événements, qui requiert que celle-ci soit libérée de l’identification aux pensées, émotions, actes, paroles.

Il est à priori impossible de fractionner le déroulement de notre vie en actes séparés. En tant qu’être individuel, nous intervenons continuellement dans le jeu cosmique de création-transformation depuis la naissance jusqu’à la mort.

Dans la voie individuelle, l’être humain est amené à se plonger dans ses mécanismes intimes afin de les purifier.

Dans la voie collective de l’Eco Yoga, les individualités épurent leur relationnel externe en élargissant leur champ de conscience au plan cosmique : l’attention quitte la mise en valeur individuelle pour se reporter sur le fonctionnement d’ensemble. L’être cosmique s’éveille à son intimité. Le terme ultime de cette ouverture est le vécu dans la félicité-conscience d’être.

L’engagement dans le jeu de la conscience au plan individuel et collectif est, comme tout phénomène universel, spontané. La spontanéité de nos faits est masquée par l’identification au corporel qui nous fait croire que nous en sommes les maîtres. Toute voie spirituelle vraie, individuelle ou collective, nous amène tôt ou tard à dissiper cette illusion. Elle nous libère de l’esclavage de la décision. Le choix s’impose alors spontanément.

Ceci n’est qu’une première approche, émise d’un point de vue de la diversité humaine. Cette démarche étant essentiellement collective, il revient à l’ensemble universel des intervenants de lui donner une suite, le cas échéant. Ce n’est qu’à ce titre que l’on peut parler de yoga de l’être collectif.

La démarche collective ne prétend pas se substituer à la voie individuelle. Au contraire, toutes deux agissent en synergie, renforçant ainsi leurs effets.

 

Conclusion

La tension vers la plénitude d’être est la marque de chaque mouvement de la dynamique vitale. Son potentiel infini est à la base de la puissance inépuisable du sentiment religieux, de la création artistique, de l’attrait sexuel et du pouvoir, de la soif d’unité et la quête d’absolu. Ainsi, la recherche de la plénitude est au cœur du déploiement de nos révolutions, nos dictatures collectives brutales, la confection de toute œuvre d’art, l’organisation de l’activité économique, la recherche scientifique et de l’extrême, les manifestations religieuses, culturelles et sportives, les crimes, chaque geste, pensée, parole, émotion.

Le déploiement vital est jusqu’à présent soumis à la dynamique du pouvoir : les relations entre les entités participantes se conforment à un modèle dominant-dominé où l’action se transmet mécaniquement du premier au second.

La compétition généralisée pour la dominance qui l’accompagne instaure une imitation de masse qui appauvrit la diversité des comportements.

Cet effet qui contrarie l’expression de la plénitude est précisément dû à l’aveuglement de la perspective individuelle qui masque le sens du fonctionnement global.

Il semble évident que l’expression de la plénitude par une pluralité d’êtres liés par des relations de pouvoir entre eux soit incohérente : tout renforcement d’expression tend à la contrecarrer voire à la diminuer.

Ceci conduit les êtres à aller globalement vers des comportements de plus en plus anachroniques et extravagants, afin d’ouvrir une brèche vers plus de possibilités expressives d’ensemble. Mais, issue de la tension compétitive, cette recherche vers l’extravagance y participe dans son principe.

En définitive, la dynamique vitale issue de la généralisation de la relation de pouvoir offre une bien piètre possibilité d’expression pour la plénitude d’être : emprisonnés dans l’individualité, nous ignorons la dimension collective de nos actes.

La dynamique vitale dans une pleine conscience de la relation d’échange offre une bien meilleure possibilité pour l’expression de la plénitude d’être. Cette perspective représente un saut dans la conscience de nos actes, interactifs dans leur essence.

C’est une relation enrichissante où chacun épanouit son potentiel individuel au contact des autres, sans préjuger de ce qu’il doit être à priori. Ce potentiel se découvre à mesure que l’action se déroule. On se connaît dans l’instant, au moment précis de la réalisation de l’acte. L’action est donc une véritable création comportementale impossible à programmer à l’avance.

Elle est désormais ancrée dans l’attention pure et conduit à terme à la contemplation de l’ensemble incluant tous les événements intimes et extérieurs. Les comportements sont alors spontanément ajustés, guidés par l’intuition spirituelle. L’idée ne s’impose plus à l’action en cours. Faisant partie des éléments interactifs intervenant dans le déroulement de l’acte, elle n’en a qu’une valeur indicative temporaire.

La transition vers cette dynamique semble amorcée par le recours à l’écologie. On peut la présenter comme un yoga de l’être collectif, en complément de toutes les voies spirituelles individuelles connues. Cette dynamique est auto-propagatrice. Son moteur est le mieux-être et l’enrichissement intérieurs qui résultent de la coopération spontanée des intervenants.

Avec son extension au plan mondial, on peut s’attendre à une chute spectaculaire des comportements de violence et de fausseté, remplacés peu à peu par des comportements transparents de coopération.

L’extension de la dynamique d’échange en remplacement de la dynamique de pouvoir ne signe nullement la disparition des groupes ethniques, culturels et autres nations liés à un espace géographique défini. Cette dynamique ne peut s’instaurer que dans le respect mutuel, à tous les étages de la vie mondiale, de la personne individuelle aux fédérations d’états, chaque entité individuelle ou collective étant appelée à s’enrichir par les échanges qu’elle noue spontanément avec l'ensemble des autres. On doit bien sûr s’attendre à un processus naturel de création-disparition d’entités en continu.

Gardons-nous cependant de reprendre ces idées afin de les généraliser par la contrainte, ce qui n’aurait pour d’autre effet que d’entretenir la dynamique coercitive actuelle. Si cette perspective a une chance de réussir, elle ne peut progresser que spontanément à partir de centres disséminés dans la diversité humaine.

Puissent ces quelques lignes diffuser leur parfum dans nos actes, paroles et pensées en tacite coopération avec les innombrables tentatives que nous sentons poindre dans ce sens de par le monde, pour l’unique et incomparable bénéfice d’une vie intérieure plus harmonieuse.

 

Pour une exploration plus complète de cette question voir : 

'DE MATERIALITE A LA TRANSPARENCE' de Chidakasha Bhaskara publié en e-book sur la plateforme LIBRINOVA

                                                                ou

 'VERS UNE VOIE SPIRITUELLE COLLECTIVE' de Chidakasha Bhaskara publié en livre broché sur AMAZON.FR 

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